19 Mai 2017

[ENTRETIEN] Journée de la mer : plongée au cœur des océans

Grâce aux satellites, on connaît mieux les dynamiques océaniques. Un enjeu crucial, explique Philippe Escudier, responsable des programmes océan au CNES, à l’occasion de la Journée européenne de la mer le 20/05.
Quelle est l’utilité de l’altimétrie satellitaire ?

Philippe Escudier : La seule technique spatiale dont on dispose pour comprendre ce qui se passe dans les océans en 3 dimensions – variations de température et de salinité, mouvement des courants – est l’altimétrie.

Les océans représentant 75% de la surface du globe, hors des zones côtières, seul le satellite peut les survoler de façon régulière et continue.

Des mesures in situ sont indispensables en complément des données satellites mais elles ne peuvent apporter la couverture nécessaire à elles seules. Or, les enjeux de compréhension de leurs dynamiques sont immenses : il y a le climat, puisque 93% de la chaleur créée par le réchauffement est absorbée par les eaux qui la transportent en surface comme vers les profondeurs, mais aussi les grandes questions scientifiques comme celles liées à la compréhension de la biologie marine et des problèmes très pratiques comme la pêche, l’exploration offshore, le transport ou la sécurité maritime. 


Philippe Escudier, responsable des programmes océan au CNES

Comment le niveau de la mer évolue-t-il ?

PE : Jusqu’à présent, il était établi que la dilatation des océans due à leur réchauffement conjuguée aux apports d’eau douce venant de la fonte des glaces continentales entraînait une élévation moyenne de 3mm environ chaque année. Mais des chercheurs français viennent de montrer que le rythme s’est accéléré dans les 10 dernières années, dû en particulier à la fonte des glaces du Groenland.


Comment le CNES intervient-il dans ce domaine ?

PE : D’abord en participant à des programmes spatiaux. En coopération avec la NASA, nous conduisons une série continue de missions depuis 1992, entamée avec le satellite Topex-Poséidon lancé en 1992 et qui se prolonge avec le programme Jason, dont le troisième satellite a été lancé en 2016. Au niveau de l’ESA, les satellites Sentinel du programme Copernicus complètent les mesures de Jason. Le CNES a coopère également avec l’Inde sur le satellite Saral et son altimètre de nouvelle génération Altika, ou encore avec la Chine (HY-2). 

Et au-delà de cet aspect, il faut faire en sorte que les données fournies par les satellites soient utilisées de façon efficace. C’est pour cela que le CNES s’est impliqué dans la création de Mercator Océan, centre opérationnel leader en Europe pour l’analyse et la prévision des mouvements des océans (leader du service Copernicus marin), et que sa filiale CLS fournit une palette de services finalisée à des clients opérationnels.


Vue d'artiste du satellite Jason


Vue d'artiste du satellite Saral-Altika

Quels seront les prochains développements ?

PE : Nous sommes arrivés à une première étape de maturité, qui nous permet de suivre les grands phénomènes climatiques et l’élévation du niveau moyen des mers et de repérer la plupart des tourbillons de plus de 100 km. Mais la demande des utilisateurs porte sur des mesures plus fines. En coopération avec les Américains, nous préparons donc la nouvelle génération, qui sera une rupture technologique complète. Ce programme SWOT, lancé à l’horizon 2020, proposera des cartes de hauteur en deux dimensions, avec une vision beaucoup plus précise.  

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